samedi, février 26, 2005

L'errant

L’errant se frôle à la joue du temps, qui meuble ses souvenirs comme l’on fait avec les murs trop blancs. La lune hante son ciel sans nom, la pluie ruisselle sur son manteau long. Il n’a nulle part où aller, où même sonner serait de l’indiscrétion, il ne vaque à rien, sauf si ce n’est que de se trouver refuge pour la nuit, où même là, le vent ne pourra lui dépouiller le cœur de son orgueil ainsi que de lui arracher son chapeau qu’il arbore si fièrement jour après jour. Dans son quartier, de la rue St-Denis jusqu’à une plus dans l’Est, il est connu, comme l’on connaît une vedette rock que l’on voit à la télévision. Il est sans nom, sans emploi et sans intérêt pour les résidants qui, chaque jour le croisent sur leur passage sans daigner lui adresser ne serait-ce qu’un sourire gratuit - comme celui chez Wal-Mart que l’on donne à l’achat de 72 canettes Coke (que l’on donne presque). Il est la risée des plus grands alors qu’il est un mystère pour les plus petits.


- Pourquoi maman le monsieur il demande toujours de l’argent quand les gens passent devant lui?

- C’est parce qu’il a froid ma chérie, et qu’il n’a pas de maison pour réchauffer son cœur.

- Et pourquoi alors que, si il a froid dans son cœur et qu’on lui donne de l’argent pour se construire une maison pour son cœur, il sourit toujours?

Elle prit le castor que sa mère lui donna, non sans chigner, et alla le déposer dans le chapeau du vieil homme.

- Voilà monsieur, dit elle, je vous donne ce castor pour qu’il vous aide à construire votre maison dans votre cœur.


Le vieil homme lui sourit de toutes ses dents, jaunes à cause du soleil qui lui arrachait un sourire au quotidien, et l’a remercia. Alors que la petite fille s’en allait rejoindre sa mère, il lui dit de revenir. Lorsqu’elle était à ses côtés, assez près pour sentir battre son cœur et entendre le clignement des ses yeux, il déposa dans sa main, imprégnée de l’hiver, un dix sous.


- Voilà ma p’tite fille, je te donne ce bateau pour qu’il t’emmène où tu veux.


L’homme se dénicha un endroit où se reposer, une boîte en carton trouvée à l’arrière d’un magasin à rayons. Il s’y installa pour la nuit, sachant très bien que c’était peut-être sa dernière à vie. Il embrassa la pièce de cinq sous après quoi ses yeux se sont fermés à tout jamais. On le retrouva le lendemain matin, le corps figé dans la position fœtale. Il étreignait sa couverture de ses dix doigts et arborait fièrement un sourire d'enfant.


--Alex.

1 Commentaires:

Blogger Les_Singes said...

Très beau texte, c'est un plaisir de te lire. Bravo :-)

février 26, 2005 10:35 p.m.  

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